Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome I.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

rejoindre l’armée, et ils furent près de six mois sans se voir. Ce fut à l’Opéra qu’ils se retrouvèrent. Ils se reconnurent d’un bout de la salle à l’autre au premier regard. Le général, confiant dans sa longue absence, alla se présenter dans la loge d’Olivia : il croyait la retrouver telle qu’elle était avant qu’il la connût. Effectivement, elle était belle de toute sa parfaite beauté, parée de tout ce que son goût exquis avait d’élégance, elle était souriante, presque gaie ; et, quand le général entra dans sa loge, elle lui tendit la main et serra les siennes avec une bonhomie charmante : grâce adorable, que la coquetterie ne peut jamais imiter !

« — Bonjour ! lui dit-elle avec un beau et doux sourire ; que je suis heureuse de vous voir ! Que j’ai de choses à vous dire ! Comme vous avez fait de belles choses dans cette immortelle campagne de Bonaparte ! Je vous le disais bien, que vous aviez une noble et belle carrière devant vous ! Que je me sais gré d’avoir deviné que vous la suivriez glorieusement. »

Et, en parlant au général avec cette joie, Olivia avait presque des larmes dans la voix. Et lui, tout ému, tout surpris, lui répondit :

« — Merci ! vous venez de mieux me récompenser que je ne l’ai été sur le champ de bataille. Votre approbation, c’est plus qu’une approbation, c’est la réalisation d’une espérance que j’avais emportée de Paris ; cette espérance, c’était que vous ne m’oublieriez pas.

« — Vous oublier ? dit Olivia ; vous vous rappelez trop haut et trop bien au souvenir des gens qui vous connaissent.

« — Il y en a tant d’autres qui ont plus fait que moi !

« — Oh ! mais ceux-là, on n’y pense pas. »

L’orchestre commença, le général dut se retirer.

« — Quand vous voit-on ? dit-il à Olivia.

« — Toujours, toujours seule.

« — Et toujours ennuyée ?

« — Moins ennuyée, reprit-elle doucement, mais peut-être plus malheureuse. Venez, nous causerons de tout cela. »

Le lendemain le général trouva Olivia complétement seule ; mais déjà tous deux s’étaient mis en garde contre l’émotion inattendue de la veille. La conversation fut d’abord plus calme. Olivia s’informa du général ; elle se plut à lui demander le récit de toutes ses heures, de tous ses dangers, des grands combats auxquels il avait assisté. Puis enfin le général lui dit :

« — Parlez-moi donc de vous. Qu’avez-vous fait ? Qu’êtes-