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ment… La route m’a fait porter le sang à la tête.

— C’est drôle, dit le commis ; c’est comme moi, j’ai les jambes tout enflées.

— Je me sens vraiment indisposé, reprit M. Marcoine, en tirant sa montre (il n’est que dix heures, murmura-t-il tout bas), et je vous demanderai la permission de me retirer comme M. Bador.

— Faites, faites, comme M. Bador, dit Luizzi ; j’espère que Monsieur ne m’abandonnera pas ainsi que vous.

Le clerc sortit, et le commis d’agent de change, demeuré seul avec Luizzi, reprit :

— Quelle idée leur a poussé de s’aller coucher ! J’aime mieux passer la nuit à boire que de m’étendre dans un mauvais lit d’auberge entre des draps humides.

— Pour ma part, dit Luizzi, je ne crois pas que ce soit l’humidité des draps qui enrhume ces messieurs.

— Pourquoi ça ? dit le commis d’agent de change.

— Vous allez le voir tout à l’heure.

En effet, un moment après, ils virent le clerc de notaire qui passait précédé d’un postillon et juché sur un grand cheval à la selle duquel il était accroché de ses deux mains.

— Eh ! dites donc, farceur, où allez-vous donc comme ça ? lui cria le commis d’agent de change.

Mais le clerc de notaire ne répondit pas. M. Furnichon se retourna vers Luizzi et répéta sa question :

— Où va-t-il donc, ce farceur-là ?

— Probablement visiter la propriété sur laquelle vous venez chasser.

Le commis lâcha un juron épouvantable et reprit :

— Où a-t-il donc trouvé un cheval ?

— Je crois que si vous en demandiez un d’une manière un peu absolue, on vous le procurerait.

Le commis sortit à son tour de la salle à manger, et Luizzi l’entendit tempêter et crier dans la cour. Un moment après, une vieille guimbarde, attelée de deux rosses, sortit encore de l’auberge, chargée du commis et de son immense bagage : et, comme Luizzi se laissait aller à rire, il fut interrompu par quelqu’un qui lui frappa doucement sur l’épaule. Il se retourna et reconnut le vieux postillon.

— Eh bien ! dit-il au baron d’un air de confidence, ils sont partis tous les trois, l’avoué dans son cabriolet, le petit notaire à franc étrier, et le grand godelureau en carriole. Est-ce que vous ne vous mettez pas en route aussi, vous ?

— Les chevaux sont donc reposés ? lui dit Luizzi.

— Il n’y a