— C’est le ciel qui me l’envoie, dit Luizzi en pensant que M. Barnet devait être le digne pendant de sa femme.
C’était un gros homme réjoui, à l’air fin et spirituel, aux manières avenantes.
— Vous m’avez fait l’honneur de passer chez moi, monsieur le baron, et ma femme m’a dit que vous aviez désiré avoir des renseignements sur la fortune du marquis du Val.
— C’est vrai… c’est vrai… dit Luizzi. Mais ceux que madame Barnet m’a donnés me suffisent ; d’ailleurs je n’ai plus les mêmes projets, et je voudrais savoir maintenant…
— Où en est la fortune des Dilois ? Ma femme m’a tout dit. Bonne et excellente maison, monsieur le baron, dirigée par une honnête et bonne femme !
— Diable ! vous en répondez bien vite !
— C’est la probité en personne.
— Je ne dis pas non, mais est-ce la sagesse en personne ?
— J’en jurerais sur ma tête.
— Tant mieux pour votre femme, dit Luizzi en riant. Puis il se reprit et ajouta : Pardonnez-moi, j’ai moins que vous confiance en la vertu des femmes, vous ne les voyez guère que le jour de la signature du contrat, et ce jour-là tout est amour, adoration et serments de fidélité ; mais plus tard…
— Auriez-vous quelque raison de croire que madame Dilois ?…
— Je vous le donne à juger.
Et là-dessus il raconta tout à Barnet, en riant et en se faisant assez ridicule pour avoir l’air de se sacrifier : infâme adresse qui met le sang de la victime sur les mains du bourreau, comme si c’était celui-ci qui fût blessé ! Luizzi raconta, disons-nous, son aventure de la nuit.
— Je ne l’aurais jamais cru, s’écriait Barnet, jamais, jamais. Quoi ! Charles ?
— Oui, Charles, pendant que je montais la garde…
— Et vous êtes rentré ?…
— Oh ! pour rien, je vous jure ; c’est déjà assez désobligeant de succéder à un mari, pour être peu tenté par la place qu’a occupée d’abord un amant.
— Un amant ! madame Dilois, un amant ! répétait le notaire avec stupéfaction.
Luizzi était enchanté de ce qu’il venait de faire, et il ajouta en se dandinant dans son fauteuil :
— Ah ! mon Dieu ! mon cher, depuis trois jours que je suis