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à Toulouse, j’en ai appris plus que vous ne pensez sur les femmes irréprochables.

— Qui l’aurait dit ? s’écriait Barnet ; ce petit Charles ! Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! les femmes !

— Il me semble que celle-là avait commencé de manière à faire deviner ce qu’elle serait.

— Vous avez raison : bon chien chasse de race, et elle est née, dit-on, d’une mère… Mais cela est un secret de notaire, c’est sacré.

— Ah ! oui, vous avez des secrets de notaire assez curieux, et particulièrement un sur madame du Val ?

— Oui, oui ; mais personne au monde ne le saura. Pauvre femme ! En voici une, par exemple, qui a supporté sa vie avec une vertu et un courage…

Luizzi ricana, mais il se tut. Il avait trop de gentilhommerie dans le cœur pour jeter la réputation de la marquise du Val à un bourgeois comme Barnet ; si celui-ci eût été seulement un petit vicomte, Armand l’eût bien vite désabusé de sa bonne opinion. D’ailleurs, il se souvint qu’il devait, le soir, rencontrer la marquise, et, satisfait de sa première confidence, il se borna à prier M. Barnet de vendre ses laines à une autre maison de Toulouse. Le notaire, de son côté, était venu pour parler de la vente d’une coupe de bois et proposer au baron de conclure l’affaire avec un certain M. Buré.

— Est-il marié ? dit Luizzi avec cette fatuité qui fait une insulte de la plus légère question.

— Oui, et à une femme dont je répondrais… Mais, ma foi, monsieur le baron, je ne sais plus que penser et dire des femmes… Celle-ci passe pour la vertu la plus pure.

— Nous verrons, reprit Luizzi, et il renvoya M. Barnet.

Le soir venu, Armand alla dans la soirée où il savait trouver la marquise. Elle devint si pâle en l’apercevant, qu’elle lui fit pitié. Il s’approcha d’elle ; ils se retirèrent dans un coin du salon, et c’est à peine si elle put lui répondre. Luizzi crut remarquer qu’on les observait.

— Refuserez-vous de m’entendre ? lui dit-il.

— Non, car j’ai une grâce à vous demander.

— Je ne serai pas cruel.

— Je sais l’aventure qui vous est arrivée avec Sophie.

— Qui, Sophie ?

— Madame Dilois.

— Madame Dilois !