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Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome II.djvu/444

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fille, et je le priai de vouloir bien venir m’informer de ce qui se serait passé entre elle et la folle.

« — Madame, me répondit-il, je vais peut-être éclaircir en ce moment un mystère dont je poursuis le secret depuis plusieurs années, et je désirerais avoir un témoin comme vous de ce qui va se passer.

« Nous suivîmes la folle, qui était déjà entrée dans sa chambre : elle tenait son enfant sur ses genoux comme si ce n’eût pas été déjà une grande jeune fille ; elle la berçait et chantait doucement comme pour l’endormir. Puis elle s’interrompait tout à coup pour lui dire :

« — Tu entends bien, ma fille, tu entends bien ? et, si jamais tu sors de cette tombe, tu n’oublieras pas de dire que tu es la fille d’Henriette Buré. Ton père s’appelle…

— Léon Lannois, répondit l’enfant.

« À cette réponse, le médecin tressaillit et me serra le bras comme pour m’avertir d’écouter attentivement.

« — Léon Lannois ! retenez bien ce nom, me dit-il.

« La mère continuait :

« — Et le nom de notre persécuteur, te le rappelleras-tu ?

« L’enfant sembla chercher dans sa mémoire et répondit :

« — Oui, oui, c’est le capitaine Félix Ridaire.

« Le médecin poussa une sourde exclamation de surprise, tandis que moi j’écoutais sans comprendre.

« — Tu sais aussi le nom de ta tante, n’est-ce pas, sur qui j’avais tant compté ?

— Oui, maman, dit l’enfant, Hortense Buré, la femme de mon oncle Louis Buré ; et je me rappellerai aussi, ajouta-t-elle lentement et comme si ces souvenirs lui revenaient un à un, je me rappellerai Jean-Pierre que vous aviez été voir lorsqu’il était malade, le jour où vous rencontrâtes mon père pour la première fois. Je me rappelle tout, ma mère.

— Et tout était vrai murmura le médecin.

« Puis la folle continua :

« — C’est bien, ma fille : regarde bien Félix, regarde bien ton bourreau lorsqu’il va entrer, regarde-le pour le bien reconnaître, si tu le retrouves jamais. Je vais te mettre dans ton berceau pour qu’il ne te voie pas le regarder.

« Pour la première fois en ce moment la jeune fille semblait s’étonner des paroles de la folle, et le médecin, s’approchant d’elle, lui dit tout bas :

« — Faites tout ce qu’elle voudra, mon enfant ; je reviendrai bientôt, et votre protectrice aussi.

« Alors, et sans que la pauvre folle s’en aperçût, il prit un cahier