Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/111

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« Reposons-nous, ce jour n’a pas de lendemain.
« Mes deux pieds décharnés ont fait tout leur chemin,
« Sans essayer jamais sandale ni cothurne.
« Oh ! sous tant de soleils quelle route nocturne !
« Quel deuil autour de moi, que de pleurs et d’adieux !
« J’eus des palais plus hauts que les dômes des dieux.
« Même avant de frapper, moi, reine inassouvie !
« De mon spectre caché j’épouvantais la vie.
« Toute chair pâlissait à m’attendre venir.
« J’étais le grand mystère au seuil de l’avenir ;
« Et j’avais, comme Isis, mais plus lourds et plus sombres,
« Des voiles me prêtant l’énigme de leurs ombres.
« Oh ! comme on tremblait, quand j’abrégeais sous ma main
« La courte éternité d’un empereur romain !
« Quand je frappais un peuple, ou que ma course avide
« Suivait dans l’herbe un ver rampant sous mon œil vide !
« Ou que j’allais saisir sur son axe enflammé,
« Un soleil, œil immense, entre mes doigts fermé !
« J’étais capricieuse ; et si, loin des tempêtes,
« Mes sujets s’accoudaient au balcon de leurs fêtes,
« Si dans l’oubli des jours leur foule se baignait,
« Si chaque élan du cœur de moi les éloignait,
« J’accourais : du bonheur mon pied brisait la porte.
« J’estimais la victime aux joyaux qu’elle emporte.
« J’aimais la danse folle et mêlais, à mon choix,
« Aux notes de l’orchestre un écho de ma voix.
« Moi, la mort ! moi qui vins battre d’une main sûre,
« Du grand concert des jours la dernière mesure,
« Je hantais les amants, la nuit ; mes doigts noueux
« Ruisselaient de parfums pris dans leurs beaux cheveux ;
« J’arrachais les enfants au sein qui les allaite ;
« Les berceaux balancés posaient sur mon squelette ;