Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/112

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« Je donnais à tout miel l’avant-goût du poison ;
« Toutes les amitiés m’avaient pour horizon.
« Ainsi qu’un drapeau noir sur une ville immonde,
« J’ai flotté, dix mille ans, sur les plaisirs du monde !
« Parfois mes fils, disant à l’existence : — Assez ! —
« D’eux-mêmes dans mes bras se couchaient harassés.
« Ils me jetaient, ainsi qu’une gerbe épineuse,
« Leurs jours que ramassait la. pâle moissonneuse ;
« Et venaient sur mon sein dormir leur grand sommeil,
« Sans savoir pour quelle ombre ils quittaient le soleil.
« Ils adoraient en moi la déesse voilée,
« Tant je régnais déjà sur leur âme troublée ! .
« Tant ma nuit du bonheur absorbait les éclairs ;
« Tant je ne faisais qu’un avec leur univers !
« Christ m’a blessée un jour : athlète trinitaire,
« Sa victoire me prit la moitié de la terre ;
« Mais le bravant toujours dans son inimitié,
« Je refermai ma plaie avec l’autre moitié. »
Ainsi parle la mort, dressant sous un nuage
Sa tête d’ossements dans l’éternel orage.
Et sa profonde voix, sous les rochers ardents,
Double le bruit lointain des tonnerres grondants.
Le lieu qu’elle parcourt ressemble au gouffre aride
Qui frappait les regards de Manto l’émonide,
Lorsque, pour composer ses philtres vénéneux,
Aux flancs tout calcinés du globe caverneux,
Des sommets de l’Etna seule elle osait descendre ;
Foulait les rocs brûlés, paysage de cendre ;
Forçait à s’arrêter sous son pied souverain,
La lave où s’imprimait son cothurne d’airain ;
Suspendait ; poursuivait son voyage de flamme ;
A l’âme des volcans venait mêler son âme ;