Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/116

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Les bizarres contours de leurs corps sulfureux.
O formidable nuit ! ô plages orageuses !
Herschëll a moins compté d’étoiles nuageuses,
Qu’il ne vient apparaître, en ces lieux désolés,
Des mondes de douleur, lointains, confus, voilés !
On les voit, on les perd comme une flotte sombre,
Qui, dans un ouragan, parmi les écueils sombre,
Passant, tourbillonnant sous la dent qui les mord,
Ainsi qu’un sable noir dispersé par la mort.
Mondes tout ruinés et que nul ne restaure !
Labyrinthes ayant le mal pour minotaure !
Globes lançant au loin les feux de leurs Etna,
Portant les noms maudits que Satan leur donna,
Élevant dans leur ombre, et sans changer d’annales,
L’unanime concert des plaintes infernales !
Sépulcres voyageurs qui, dans l’immensité,
Diffèrent de vieillesse en leur éternité !
Groupes de châtiments, cercles pleins de blasphèmes,
Systèmes de forfaits tournoyant sur eux-mêmes,
Et d’un vol aveuglé dont tout ordre est banni,
Sur l’axe de l’enfer roulant dans l’infini !

Là, chaque passion enfante sa couleuvre.
Oui ! Dieu créa le Ciel, la géhenne est notre œuvre.
Artisan de ses maux, l’homme en se dégradant
S’enveloppe lui-même en son suaire ardent.
Même avant son trépas, déjà dans sa pensée,
Vers le gouffre béant sa chute est commencée ;
Et, la chargeant toujours de quelque poids nouveau,
La terre, des enfers prend pour lui le niveau.
Il entre, sans descendre, en leurs profonds abîmes.
Bourreaux nés de lui seul, les spectres de ses crimes