Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/127

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Le progrès effrayant d’une heure de caresses.
Et, le cœur gros de pleurs, elle amuse, en chantant,
Le vieillard nouveau-né, dans ses bras grelottant ;
Le vieillard nouveau-né, dont la voix faible et creuse
Entrecoupe de cris la chanson douloureuse.


VI.


Une autre mère, au loin, sous des ifs desséchés,
Voyait avec terreur devant elle couchés,
Deux tigres, nourrissons endormis… La tigresse
Auprès de leur sommeil en rugissant se dresse.
Et la mère était là, qui tenait embrassé
Le fruit de ses amours près de son cœur bercé.
Les deux mères d’abord longtemps se contemplèrent ;
Mais lorsque leurs enfants ensemble s’éveillèrent,
L’œil du monstre brilla d’un éclat plus puissant ;
Pour la soif de ses fils il demandait du sang,
Du sang jeune et léger ; sa mamelle était vide.
La mère voulait fuir loin du regard avide ;
Et, toujours plus ardent, cet œil triomphateur
L’attirait, pas à pas, éclair fascinateur.
Oh ! combien son fardeau rendait sa marche lente !
Que son fruit lui pesait !!… Pâle et folle et hurlante,
On sent, sous le pouvoir qui la vient attirer,
Dans chacun de ses cris son enfant expirer.
En vain, pour le cacher à la vivante tombe,
Sur lui sa chevelure et s’épand et retombe ;
Elle avance, enchaînée au magique lien :
Aux nourrissons du monstre elle apporte le sien,
Sans pouvoir leur offrir en changeant leur pâture,