Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/130

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« Aucun poids n’y manquait ;… puis mon trésor s’accrut.
« Ma femme, avant d’avoir quitté le deuil, mourut.
« Je fus seul avec l’or, mon aride délice :
« Et je clouai ma vie au roc de l’avarice.
« J’aspirai plus avant dans mon sein ténébreux,
« Mon rêve, mon bonheur, mon paradis fiévreux.
« Que j’avais en pitié l’amour ou l’héroïsme !!
« Muré de toutes parts dans mon âpre égoïsme,
« Cet or devint mon âme, il coula dans mon sang ;
« J’adorai comme un Dieu mon crime éblouissant,
« Et, donné par un juif en retour de l’hostie,
« L’or fut mon seul autel et mon Eucharistie !
« Les hommes près de moi passaient sans un adieu,
« Ils lisaient sur mon front que j’avais vendu Dieu,
« Et, sans me déguiser leur haine involontaire,
« Fuyaient comme un fléau mon bonheur solitaire.
« Mais à ma passion qu’importaient les humains ?
« Mon univers sonnait au creux de mes deux mains.
« Je vécus, je vieillis dans ma joie insensée :
« La démence de l’or empreinte en ma pensée,
« Flétrit mon pâle front, rida mes doigts brûlants,
« Alluma plus de feux sous mes. froids cheveux blancs ;
« Et quand je m’aperçus que ma fin était proche,
« Vers un caveau lointain creusé sous une roche,
« Pour laisser du trésor mon cadavre héritier,
« Je me traînai, la nuit, l’emportant tout entier.
« Je sentis, volupté que l’enfer a punie,
« Palpiter l’avarice au fond de l’agonie :
« Sur l’or, en se fermant, mon œil se reposa,
« Au lieu de Crucifix ma lèvre le baisa ;
« Retrouvant pour aimer toute mon énergie,
« Contre mon sein souffrant j’en pressai l’effigie,