Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/165

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Plus digne de mon nom que ce froid Commandeur.
Écoutez ! .. J’entendais souvent la sérénade
Chanter Esméralflor, duchesse de Grenade,
Plus belle, disait-on, que tout ce qu’on aima,
Des rochers de Xérès aux bois du Xarama :
Perle de volupté, diamant où l’Asie
Aurait mis moins de feux que notre Andalousie.
Je partis de Madrid, traversant la Sierra,
Pour admirer ce front beau comme l’Alhambra,
Pour juger, à mon tour, l’amoureuse merveille.
J’arrive… Esméralflor était morte la veille.
Le catafalque noir fit cabrer mon cheval ;
Les vieux moines, pieds nus, de Saint-Jacques du Val
Disaient : — Elle est au Ciel, regardant Dieu sans voile. —
La fleur pour m’échapper se changeait en étoile ;
Et la ville pleurait, et moi de ce séjour
Je sortis tout pensif, seul, au tomber du jour.

La nuit vint : sur un roc dont Grenade est voisine,
Un élégant palais de coupe sarrazine
Dormait ; et le Daro, fleuve uniforme et lent,
Baignait d’un flot plaintif ses pieds de marbre blanc.
J’entrai d’un pas distrait… Des flammes voltigeantes,
Sous les cintres dorés, se poursuivaient changeantes ;
Des jets d’eau parfumés, arcs-en-ciel roses, bleus,
Et courbant sur mon front leur éclat nébuleux,
Dans des bassins d’onyx, après l’élan rapide,
Retombaient divisés en poussière limpide.
Sous des gazes d’azur, partout demi-voilés,
L’amour entrelaçait les bronzes ciselés ;
Et partout il semblait que des plafonds mauresques
Raphaël, dans un rêve, eût dessiné les fresques.