Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/166

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Là, sur un marbre assise à l’angle d’un grand mur,
Comme un tableau frappé d’un large clair-obscur,
Le sein nu, m’apparut une femme étonnante,
Et belle, et tour à tour ou sombre ou rayonnante.
Un cercle de pavots pressait son front hautain ;
Au lieu de la basquine, aux plis noirs, de satin,
Elle laissait flotter la tunique azurée
Qu’attachait mollement sa ceinture nacrée.
Sous ses agiles doigts venaient s’entremêler
De longs fils transparents qu’elle faisait voler :
Et comme un tisserand, sans s’incliner à peine,
Elle tramait le lin sur un métier d’ébène.
Ses cheveux sur son col tombaient comme la nuit.
« Ce vil travail, lui dis-je, à tant de beauté nuit.
« N’as-tu pas tes cheveux, voluptueuses tresses,
« Pour entourer l’amour d’un réseau de caresses !
« Que fais-tu de ces fils qui volent sous ta main ? »
— Peut-être, me dit-elle, est-ce un voile d’hymen. —
Et je la vis sourire et s’enfuir, blanche fée,
De son tissu de lin me laissant le trophée.

J’allai… je m’enfonçai de jardin en jardin,
Dans un bois tout rempli des songes de l’Éden.
Mille arbres toujours verts y versaient en ombrage
Leur immortalité de fleurs et de feuillage ;
Sous ses rameaux penchés, de leurs vagues concerts
D’invisibles oiseaux alanguissaient les airs.
La lune se levait, les brises étaient douces,
Mes pieds glissaient rêveurs sur la moire des mousses ;
De branche en branche, autour de mes pas amoureux,
L’esprit des fleurs flottait en réseaux vaporeux.
Et là, dans les détours d’une profonde ailée,