Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/219

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O race lamentable, infirme, amoncelée !!!
On eût dit Josaphat et sa triste vallée ;
Et l’on se demandait, devant ce peuple en deuil,
S’il marchait à la tombe ou sortait du cercueil.
Des canaux du Delta les miasmes immondes
Couvraient, comme un rideau, le sommeil de leurs ondes ;
Le sillon nourricier en était infecté
Et la peste y naissait de la fécondité :
La peste, sur ces bords sinistre hospitalière,
La peste ! au lit du Nil amante familière,
D’un geste sépulcral de loin nous convoqua,
Et dans ses grands troupeaux ensemble nous parqua.

Des jours sans avenir, des hymens sans familles,
Des vieillards plus nombreux que leurs fils et leurs filles !
Un peuple sombre où l’œil chercherait vainement
D’un visage enfantin le doux rayonnement ;
La terreur qui pâlit, la démence qui pleure :
C’était le genre humain vivant sa suprême heure.
Et sur son front maudit la femme sans beauté
Portant le sceau vengeur de la stérilité,
S’avançait, l’œil baissé, vers le terme néfaste ;
Redemandait aux nuits leur lune douce et chaste,
Et vers un ciel d’airain faisait, de l’aube au soir,
En hymne de sanglots monter le désespoir.
Tous ces rares débris, ces groupes de souffrance,
Avaient de leur prière exilé l’espérance ;
Et, prêts à s’endormir sous le même linceul,
De cent cultes divers ne gardaient plus qu’un seul,
Celui du Christ, idole aux douleurs infinies ;
Du Christ, Dieu qui n’est fort que près des agonies ;
Dieu que j’avais un jour encensé de ma main !