Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/228

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Je parvins à dompter ses souffles orageux.
Tantôt rasant, léger, les nopals du rivage,
Tantôt sous ma grande aile enfermant le nuage,
Jouant, comme un nageur, avec les flots de l’air,
Du soleil, dans mon vol, je renvoyais l’éclair ;
Tantôt, sous le rayon que ma poitrine aspire,
De cercles redoutés j’embrassais mon empire.
Puis j’enflais mon plumage, et semblable au milan,
Dans l’immobilité j’endormais mon élan.
Comme une proie offerte à mon puissant génie,
Je contemplais d’en haut la terre rajeunie ;
Je montais, je plongeais, je dominais en roi
Ces gouffres de l’éther qui n’enfermaient que moi.
Pour franchir l’horizon lointain qui se dévoile,
Mon aile disposait des vents comme une voile ;
Et brisant quelquefois l’essor aventureux,
De leur fougue ennemie elle s’armait contre eux.
Je me sentais au cœur une joie insensée
De prêter à la chair le vol de la pensée :
Tournant autour du globe aux changeantes couleurs,
Comme une abeille autour d’un citronnier en fleurs.
L’aérostat n’a rien de cette immense joie :
Suspendu, comme un plomb, sous le globe de soie,
Assis dans un esquif que presse un vil réseau,
On est un prisonnier et non pas un oiseau.
Mais moi, fier, libre, seul, dédaignant tout naufrage,
J’aimais à « l’installer dans le cœur d’un orage ;
J’aimais à respirer de son air ténébreux,
Moins ardents que les miens, les esprits sulfureux ;
A rafraîchir mon front sous les ondes qu’il verse,
A traverser la nuit que la foudre traverse ;
Et je me souvenais à ce suprême instant