Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/254

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« Mes yeux ont vu mourir bien souvent, et je meurs ;
« Je meurs en rendant grâce au Dieu de l’espérance,
« Pour mes heures de paix et celles de souffrance.
« Je meurs… Viens sur mon cœur, enfant, presse ma main.
« Jacob eut moins de joie auprès de Benjamin !
« Sémida, pressentant, dès tes jeunes années,
« Que le ciel te gardait de hautes destinées,
« J’arrachai de ton sein les terrestres penchants ;
« Comme le laboureur arrache de ses champs
« L’herbe inutile, avant de voir la tiède ondée
« Descendre sur la glèbe heureuse et fécondée.
« Adieu… Mes pieds sont froids… mon œil est obscurci ;
« Nul père n’a laissé son enfant seul ainsi !
« Le lion qui me sert te devient ta famille,
« Et je vais à sa garde abandonner ma fille.
« Dans l’ombre, à ses côtés, en paix tu marcheras ;
« Ses yeux seront ouverts, lorsque tu dormiras.
« De la force de Dieu sa force est un emblème ;
« L’homme le fit cruel ; il est doux quand il aime.
« La mort du genre humain lui rend la liberté
« De reprendre, un moment, sa native bouté ;
« Laisse-le, sous ce roc, creuser ma sépulture,
« Et puis, dans le désert, chercher ta nourriture.
« Ma fille ! il est des pleurs qu’on ne doit point tarir ;
« Ne quitte pas la grotte où tu me vois mourir.
« Oui, reste en ce lieu… l’air où nous prîmes naissance,
« Est imprégné, pour nous, d’un baume d’innocence !
« Ne quitte point la source où boivent tes ramiers :
« Nos sommeils sont plus purs sous les mêmes palmiers ;
« On dirait qu’au Seigneur nous restons plus fidèles
« En regardant le nid des mêmes hirondelles ;
« Et que, fortifiant notre cœur combattu,