Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/253

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Je frémis… et j’allais, révolté dans mon âme,
Joindre un nouvel acteur aux sanglots de ce drame ;
De l’antre, en mes fureurs, j’allais franchir le seuil,
Ravir son plus bel ange à ce tableau de deuil ;
Du trépas prophétique interrompre l’extase ;
Faire boire au chrétien la lie au fond du vase ;
Briser son espérance au bout de son chemin,
Comme il osa briser un monde dans ma main !
Je voulais effrayer son âme anéantie
D’un dernier sacrilège, à la dernière hostie ;
Et, du nom d’Antéchrist à ses yeux me parant,
Remplacer le lion au chevet du mourant !…
Mais aux pleurs de l’enfant s’amollit ma colère,
Et je laissai le temps de mourir à son père !…

Je l’entendis de loin, pour son suprême adieu,
Disant à Sémida : — « Quand l’âme monte à Dieu,
« Elle ne doit, rentrant dans ce soleil qu’elle aime,
« A la nuit d’ici-bas rien laisser d’elle-même ;
« Et pourtant je te quitte, et la divine loi
« Me défend d’emporter mon enfant avec moi ;
« Et Dieu veut que ce soit à demi que je meure.
« Je vais te précéder dans la sainte demeure,
« Mon enfant ; c’est pourquoi, même pour voir les cieux,
« Je ne pourrai tarir les larmes de mes yeux !
« Je pleurerai toujours la terre où je te laisse,
« Car de l’humanité bien grande est la faiblesse ;
« Car de tous les enfants que Dieu m’avait donnés,
« Toi seule me restais… Bien jeunes moissonnés,
« Tous les autres là-bas, endormis sous la pierre,
« Ont une croix parmi les croix du cimetière :
« J’essuyai sur leur front les dernières sueurs,