Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/265

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Pressait entre ses bras cette harpe gardienne,
Plein des souffles de Dieu, le son qu’elle exhalait,
Lamentable et jaloux, contre moi lui parlait.
C’étaient d’amers soupirs, des notes désolées,
Comme la voix des morts priant dans les vallées.
C’était le deuil souffrant des suprêmes adieux.
L’arpège saint, trempé de pleurs mélodieux,
Comme Saül en proie à l’ange des ténèbres,
Exorcisait l’amour par ses rhythmes funèbres,
Montait, passait, flottait de douleurs en douleurs ;
Pour fermer leur calice il tremblait sur les fleurs.
Tantôt il évoquait, veuves demi-voilées,
Les gammes devant moi fuyant échevelées ;
Tantôt avec lenteur, sur le cœur oppressé,
Laissait tomber le poids de son thème glacé,
En ramenant sans cesse à la même harmonie,
La phrase impitoyable en sa monotonie ;
Faisait gémir ses chants dans la fuite des eaux,
Ou vibrer la prière aux pointes des roseaux ;
Ou frappait en éclats, sur l’écho des ravines
Pour en faire jaillir les menaces divines.
Le lion accordait de moments en moments,
Aux lamentations ses longs rugissements.
Les colombes qu’en vain j’épouvantais du geste,
S’abattaient, pour pleurer, sur l’instrument céleste.
Maître de Sémida, l’accord aérien
Triomphe, et prend son cœur même à côté du mien
On dirait que la vierge, écartant sa défaite,
Aspire, en chaque son, l’esprit du roi prophète,
M’échappe par l’extase, et vers le firmament
S’enfuit, sans emporter l’âme de son amant.