Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/297

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Tombait d’un pli flottant de ma ceinture humide.
Livrant mon aile verte aux feux blancs de l’éclair,
J’emportais l’Océan dans les plaines de l’air.
J’aiguillonnais l’orage, et ma main, sous la brume,
Me suspendait aux crins de mes coursiers d’écume.
La forêt de corail dans mes flancs végétait ;
La vie à gros bouillons de mes vagues sortait ;
Et j’alimentais seul les sources éternelles
Que la terre versait par toutes ses mamelles.
Symbole universel de la fécondité,
Quels chants à mon pouvoir voua l’antiquité !
Oh ! quel enthousiasme a couru sur mes grèves,
Quand la Grèce en riant les peuplait de ses rêves ;
Lorsque Homère chantait, lorsque, de flots en flots,
Mon souffle balançait les fêtes de Délos ;
Lorsque brillait aux yeux des poètes sublimes
La moitié de l’Olympe au fond de mes abîmes ;
Et que l’on saluait d’harmonieux transports
Vénus, fleur lumineuse, éclose sur mes bords ;
Ou que, mille ans plus tard, m’enivrant d’autres fêtes,
L’anneau ducal d’un doge épousait mes tempêtes.
Quel silence à présent sur mes rocs désolés !!!
Seigneur, j’ai fait ma tâche, et vous me rappelez !
J’ai bercé, chaque jour, au vent de ma poitrine,
Le nid de l’alcyon sur la vague marine.
J’ai servi de tombeau, sans que rien ait surgi,
Aux batailles tonnant sur mon gouffre rougi ;
Et Léviathan seul pourrait compter le nombre
Des trésors que mon flot possède sous son ombre !
Seigneur, j’ai fait ma tâche, et je pleure pourtant,
Tout prêt à remonter vers le ciel qui m’attend ;
Je pleure cette vierge à notre amour ravie !