Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/316

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« Je les vis tous passer, et des temples croulants
« Le temps déracina les dieux comme les pierres ;
« Le même vent suffit contre ces deux poussières !
« Souvent, durant les nuits, ma croupe a secoué
« Leurs restes qui tombaient de leur ciel décloué ;
« Et j’ai souvent prêté mes propres bandelettes,
« Pour en envelopper leurs éternels squelettes.
« Quand l’homme gravissait son pénible chemin,
« Il inventa des dieux pour lui donner la main ;
« Mais les cerveaux mortels, en se brisant en foule,
« De tous les Jupiters ont emporté le moule.
« Il n’est rien demeuré… Te le dirai-je, roi ?
« Au matin de mes jours je rêvai comme loi ;
« Fatigué, tourmenté, sur mon rocher énorme,
« De l’énigme du monde et de ma triple forme,
« Je voulus la comprendre, et selon mon pouvoir,
« Distraire mes ennuis dans l’orgueil du savoir.
» Je partis, j’explorai l’univers… Ténériffe
« Élargit son volcan sous ma puissante griffe.
« Je lus aux flancs du globe, et nul germe de Dieu
« Ne frappa mes regards dans ces sillons de feu.
« D’un monde de géants l’étonnant ossuaire,
« Cinq étages vieillis de squelettes de pierre,
« C’est tout ce que je vis, et sur le grand secret,
« Ce monde de la mort comme elle fut muet.
« Je rentrai dans mon temple, et mille ans sur mes dalles
« Les prêtres d’Osiris usèrent leurs sandales.
« Rien… Le déluge vint, et mon œil regardait
« Si Dieu ne sortait pas du flot qui m’inondait ;
« Mais le flot ne servit, de l’Égypte aux deux pôles,
« Qu’à lustrer mes cheveux tombant sur mes épaules.
« Rien ne parut : je crus sans haine et sans amour,