Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/332

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L’orgueil l’en séparait, et la montagne sombre
Pesant sur le vaincu de toute sa hauteur,
Avait toujours été sous les pieds du vainqueur.
Mais voici qu’il descend vers l’archange : rebelle,
Et par son nom céleste avec mépris l’appelle :
« Lucifer !… Lucifer !… viens, regarde, et dis-moi
« Si cet être aux cent noms en possède un pour toi ?
« Le connais-tu ! »
                                       
Satan se relève et soupire,
Et semble en se dressant reconquérir l’empire ;
Et de ce mouvement, jusqu’au faîte ébranlé,
Le mont, comme un homme ivre, a longtemps chancelé,
Sur ses rocs décharnés conservant avec crainte
Des membres du vieux roi l’indélébile empreinte.
Oh ! du sein de Satan quel sanglot s’élança,
Quand le triple étranger jusqu’à lui s’avança,
Apportant avec soi son atmosphère blanche,
Ainsi qu’une aube au loin qui dans les cieux s’épanche ;
Et calme et l’œil levé sur le front ; du géant,
Comme l’astre des nuits sur le sombre Océan.
0 Lucifer ! ô roi de l’ombre et du blasphème !
Tu contemples enfin un autre que toi-même ;
Quel regard !!! oh ! combien il éclaire ta nuit,
Et qu’il emporte haut ton âme qui le suit !
Tu te traînes aux pieds de l’envoyé sublime !
Adorant la poussière où sa trace s’imprime,
Et sous ses pas vainqueurs, dans un muet effroi,
Dépliant tes remords comme un tapis de roi,
Tu viens de tes flancs nus lui montrer la blessure,
Tu viens toucher ses mains, ses bras, sa chevelure.
Pour ta foi qui grandit de moment en moment,