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Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/335

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« Sa mère qui s’enfuit, emportant à son flanc
« Les orbes ennemis du nourrisson sifflant.
« Il boit l’ingratitude au sang dont il s’inonde ;
« A sa victime en pleurs nouant sa chaîne immonde,
« Et d’un reste de vie ardent à triompher,
« Pour arrêter sa course, il vient de l’étouffer.
« Et la triste génisse, en son amour trompée,
« De son propre bienfait expire enveloppée.
« Ainsi je viens donner la nourriture ; ainsi
« Tu me verras tomber, si je succombe aussi.

« —Bien ! » reprend le monarque ; et son regard appelle,
Et son regard revêt d’une armure nouvelle
Dix puissances du mal, ministres éprouvés,
Fantômes vétérans, aux grands jours réservés.
Il livre Jésus-Christ à ces chefs du supplice ;
Puis, craignant que des cieux quelque ardente milice
Ne hasarde son vol jusqu’au gouffre enflammé,
Où son rival divin s’est lui-même enfermé,
Vers le chaos lointain qui bat leurs tours altières,
Il court de ses états surveiller leurs frontières.
Son pied d’airain résonne aux larges escaliers.
La révolte et la mort, ses spectres familiers,
A ce roi voyageur servent d’impure escorte ;
Après le tourbillon dont le souffle l’emporte
Ils s’élancent, perdus sur les rocs écumeux,
Dans la sauvage horreur des horizons brumeux.
Tantôt, par les degrés d’une tombe en spirale,
Ils s’élèvent tous deux dans l’ombre sépulcrale ;
Pour aller raviver les cendres d’un volcan,
Tantôt, comme un coursier, ils pressent l’ouragan ;
Tantôt leur vol dormeur semble couver l’orage.