Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/376

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Des deux crocs venimeux rivés dans la blessure.
Vain espoir !… Le serpent ne l’abandonne pas.
Déjà, pour accomplir l’incroyable repas,
Sa gueule s’ouvre et fume ainsi qu’un incendie,
Rouge, élastique, horrible et sans cesse agrandie ;
Et le buffle, aspiré par l’ennemi rampant,
Sent sa tête gonfler la gorge du serpent.
Ses cris n’arrivent plus aux troupeaux de la plaine ;
Plus avant dans sa tombe il plonge, à chaque haleine.
On voit, libres encor, sur la savane en fleur,
Ses quatre pieds tendus tressaillir de douleur.
Et le monstre sifflant triomphe dans sa joie ;
De sa bave sanglante il ramollit sa proie.
Ses yeux verts, contemplant les convulsifs frissons,
Sortent de leur orbite, allumés de poisons ; ;
Et, membre à membre, après une lutte inutile,
Le buffle, tout entier, glisse dans le reptile,
Dans le boa repu, dont les flancs montueux
Dominent pesamment les replis tortueux ;
Et qui vaincu d’efforts, six mois, au bord de l’onde,
Sous l’énorme festin dort d’un sommeil immonde,
Invincible, profond ; moins profond cependant
Que celui des geôliers au bord du lac ardent.

Libre de ses gardiens dont la sombre paupière
Prend l’immobilité de ce sommeil de pierre,
Arrachant de son sein d’autres gémissements,
Franchissant d’un seul pas neuf cercles de tourments,
Le divin Rédempteur cherche un roc solitaire,
Où d’un volcan éteint fume encor le cratère.
Il y descend, chargé du supplice infini ;
Il veut que les enfers aient leur Gethsémani !