Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/384

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


« L’heure ne passe pas, Seigneur ! la lutte immense,
« Sans jamais s’apaiser, sans cesse recommence ;
« Le roc a bu longtemps le sang que j’ai sué.
« Comme on vit le soleil, au cri de Josué,
« S’arrêter dans le ciel, la nuit ardente et noire
« S’arrête, pour laisser s’achever ma victoire.

« L’heure ne passe pas… le calice est amer !
« Ma lèvre n’atteint plus le fond de cette mer ;
« Mais toi, mon juge, toi, tu la mesures toute ;
« Ta balance d’airain la pèse goutte à goutte,
« Ton regard la sillonne, et le vase écumant
« Déborde de colère et s’épanche en tourment.

« L’heure ne passe pas et gémit éternelle
« Sous le poids de tes pieds qui sont posés sur elle.
« L’enfer en moi palpite, et je porte à mes flancs
« Sa ceinture d’angoisse et de siècles brûlants ;
« Et dans ces mêmes flancs, déchirés crime à crime,
« Oeil rémunérateur, tu viens scruter l’abîme.

« La douleur m’a couché sous l’aiguillon vainqueur ;
« La douleur a creusé le tombeau de mon cœur ;
« La douleur a trois fois fait, sans être lassée,
« Comme d’un monde en deuil le tour de ma pensée ;
« Et jamais plus de feux dévorants n’ont rempli
« Le cratère où ton fils gémit enseveli.
« Toi-même en les comptant, Père, tu t’en effraies !
« Le crime universel s’incorpore à mes plaies.
« Oh ! même en descendant jusqu’au fond du malheur,
« L’homme et l’ange n’avaient qu’essayé la douleur.
« Ils n’avaient qu’effleuré ce sol où je trépasse,