Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/387

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Leur cri fait retentir la noire profondeur
De chaque conscience où dormait leur hideur.
Ils viennent, s’élançant tels qu’une horrible armée,
Des bois, des lacs profonds, de la nue enflammée ;
Portant au jugement toute leur pesanteur,
Pour balancer le poids du grand médiateur,
Et faire tournoyer, dans la nuit sépulcrale,
Leur ronde accusatrice aux accords de son râle.
Sur la sueur de sang, afin de l’effacer,
Le sabbat déicide en hurlant veut passer,
Et, dévorant de feux la semence bénie,
Stériliser le sol où germe l’agonie.
Les uns, sur le rocher, rampent comme les nœuds
Qu’entrelace au désert le cactus vénéneux ;
D’autres, le front levé, ressemblent par leurs tailles
A ces tours que portait l’éléphant des batailles ;
D’autres, épouvantés de l’horreur qui les suit,
N’osent pas se montrer même à l’œil de la nuit,
Et se sont recouverts des voiles implacables
Que la justice attache au front des grands coupables.
D’autres, au pas oblique, au rire douloureux,
Ressemblent à l’enfant rachitique et fiévreux,
Qui, traînant sous le ciel sa précoce impuissance,
Donne un air de sépulcre à son adolescence.
Le péché de Judas les conduit… (Tel le Juif
Conduisait les bourreaux vers l’olivier plaintif. )
Et spectres fraternels, les mains entrelacées,
Semant, l’un des poisons et l’autre des pensées,
Ils viennent étaler, sous de jaunes flambeaux,
La tache de leur pourpre ou bien de leurs lambeaux ;
Ils viennent, peuple à peuple, ils viennent, monde à monde ;
Du Dieu, sans les blanchir, chaque pleur les inonde,