Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/403

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Le grand sphinx qui les suit te jette en ton cratère
De son bel œil de femme un regard de panthère.
Dans son sourire froid nage un poison moqueur,
Tuant l’enthousiasme à chaque élan du cœur ;
Et qui, glaçant l’amour à sa source infinie,
Fait à ton sacrifice un cercueil d’ironie.
Oh ! lamentable Christ, tu ne crois plus en toi ;
Ta dernière agonie est de manquer de foi !!!
Sous le regard du sphinx, fascinateur prestige,
Le doute ivre et tournant prend le vol du vertige ;
Et de l’abîme aux cieux flotte le Dieu mourant,
Comme un condor aveugle ou comme un spectre errant.
Plus de monde à sauver, plus d’autel qui t’encense ;
Ta main cherche la plaie où saigne ta puissance :
Tu crois qu’elle est tarie et morte à ton côté,
Qu’en son premier tombeau tout le Christ est resté ;
Que, voyant s’écrouler ta majesté sujette,
De l’infini fermé le temple te rejette ;
Que ton père et ta mère, au chevet du néant,
Viennent de s’endormir ; et qu’en son sein béant
L’éternité n’a plus que l’effrayant problème
De son grand sphinx vainqueur se reniant soi-même !
Et lui voit son triomphe, et sur toi s’allongeant
Souffle tous ses venins à ton rêve changeant :
Femme, d’impurs baisers il brûle ta figure ;
Il engloutit le Dieu dans l’immense envergure
De ses quatre ailes d’aigle, et, lion souverain,
Fait haleter tes flancs sous sa croupe d’airain.

Ainsi, dans ses poisons tout le jour assoupie,
L’araignée aux bras noirs des bords de la Gambie
Entend un rossignol sur l’ébénier en fleur,