Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/447

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Et menaçant le Christ, afin que plus immense
S’ouvre des bras sauveurs le cercle de clémence.

Et Dieu laissait le ciel et l’enfer se chercher,
Et les deux infinis l’un vers l’autre marcher.

Et voilà qu’à la fois, loin de leur haute sphère,
Descendant se mêler aux luttes du Calvaire,
Vers leurs frères lointains penchant leurs fronts vermeils,
Les élus ont suivi l’exemple des soleils.
Des deux bouts de la croix on s’appelle, on s’attire,
Et l’on se reconnaît aux clartés du martyre.
Chaque famille cherche, inclinée en avant,
Ses membres gangrenés tombés du tronc vivant ;
Et qui, malgré la mort et ses blessures vaines,
Prennent le sang du Christ pour ranimer leurs veines.
Le père, ivre d’espoir, baisse un œil triomphant
Pour voir du sein de l’ombre exulter son enfant ;
Le fils des lieux maudits explore la poussière,
Pour voir ressusciter les cheveux blancs d’un père.
Ainsi, lorsque des cris s’entendent élancés
D’un cercueil qu’on portait où vont les trépassés,
Nous nous précipitons pour déclouer la bière ;
Chacun de nous arrache un lambeau du suaire,
Nous découvrons ce front encore sans chaleur
Qui, sortant du sépulcre, en garde la pâleur ;
Nous voyons se rouvrir, libres de leurs ténèbres,
Ces yeux fermés par nous sous les rideaux funèbres ;
Nous sentons s’éveiller et battre sous nos doigts
Ce cœur qui de la tombe a soulevé le poids ;
Et rejetant au loin les voiles qui les glacent
Deux bras qu’on croyait morts à notre col s’enlacent.