Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/105

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toutes sortes, fréquentés même par une foule de génies. À peine y est-il entré qu’un bruit de conques et de tambours retentit dans le ciel ; une pluie de fleurs en tombe ; un rideau de nuages s’étend au sein des airs ; les arbres s’inclinent ; les ruisseaux murmurent ; les cygnes, les hérons et les paons le saluent de leurs cris joyeux. Devant ce magnifique paysage, il se livre à des austérités d’autant plus grandes. À demi-couvert par un vêtement de lianes tressées, portant le bâton et la peau de gazelle des ascètes, il se nourrit de feuilles sèches tombées à terre : puis il mange des fruits le premier mois, toutes les trois nuits ; le second mois, tous les six jours ; le troisième mois, une fois par quinzaine ; le quatrième mois, il n’avait plus que l’air pour aliment ; et, mettant le comble à sa piété, les bras levés en haut, il se tenait sans appui debout sur la pointe du pouce de ses pieds. Jamais les anachorètes de la Thébaïde n’allèrent aussi loin ; Siméon le Stylite aurait trouvé là son maître ; la Légende dorée était dépassée par avance.

Mais, attendu que, d’après la théologie aryenne, les mortifications d’un homme suffisaient, quand elles parvenaient à un certain degré, pour faire déchoir de son rang un saint ou même un dieu et pour y faire monter cet homme, beaucoup d’entre eux adressent leurs plaintes à celui qui agite le trident, à Siva dont on devait faire dans la suite une des trois personnes de la trimurti hindoue, et celui-ci promet de leur venir en aide. Il descend sur la terre, déguisé en chasseur des montagnes, suivi de son épouse Uma, de compagnons joyeux et de femmes par milliers. Justement, Ardjouna poursuivait de ses traits un démon appelé Moûka, qui était entré, afin de lui nuire, dans le corps d’un sanglier ; Siva, de son côté, perce l’animal. De là une contestation, de vives paroles, des menaces mutuelles : à qui reviendra la proie ? Enfin le faux chasseur et le prince errant en viennent aux mains ; le mortel et le dieu joutent ensemble, ainsi que le font chez Homère les héros et les Olympiens, ainsi que le