Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le passé une seule chose les intéressait, une énigme : la création du monde ; dans l’avenir une seule aussi, un mystère : la destinée de l’âme ; quant au présent, il n’était pas digne de leur causer le moindre souci. Avec un pareil dédain de la réalité, il est évident qu’ils ne pouvaient exercer aucune influence sur la marche des choses et sur les progrès matériels de l’Humanité. Mais qui oserait affirmer qu’ils ont été inutiles à l’éducation des races mortelles, ceux qui, tant de siècles avant le Christianisme, avaient enfanté les austères préceptes des Bouddhistes, les rites grandioses du culte brâhmanique et les hautes et naïves inspirations des Védas ?

Les Védas signifiant les livres, les livres saints par excellence, on avait quelquefois groupé sous ce nom générique des ouvrages qui n’y avaient point droit ; les meilleurs critiques les en ont sagement éliminés. Ainsi, par exemple, il serait exorbitant d’y comprendre les deux grandes épopées, bien plus modernes, du Râmâyana et du Mahâbhârata, quoiqu’elles contiennent plus d’une réminiscence de l’âge védique. Elles en dérivent, mais elles n’en font point partie : elles ont conservé la trace de certains princes héroïques, de certains épisodes légendaires qui appartenaient à la tradition primitive ; mais, rédigées beaucoup plus tard, elles ont modifié les souvenirs de ces princes, la forme et le caractère de ces épisodes, et leur ont imprimé plus ou moins la marque de l’influence sacerdotale qui régnait à l’époque de leur composition. Ce serait de même abuser des termes que de ranger dans la collection des Védas les Pourânas, ces interminables recueils de mythes et de généalogies divines et héroïques. Nous ne contestons pas la valeur de cette immense compilation, qui contient, dit-on, près de huit cent mille vers : nous savons ce qu’en ont tiré les Burnouf et les Wilson ; nous pensons que c’est une mine précieuse qui, fouillée avec soin, fournira de précieux matériaux pour l’histoire de la civilisation indienne. Nous en dirons autant du recueil des lois de Manou. Mais, quel que soit l’intérêt de ces deux monuments, il s’efface de-