Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

adoptif de Wiçwamitra. Cette histoire merveilleuse est intéressante en ce qu’elle représente la société indienne à une époque de transition. Les kshattryas dominent encore ; cependant beaucoup d’indices annoncent l’avènement prochain des brâhmanes : ceux-ci sont encore exposés à mourir de faim au milieu des forêts ; mais il est dit formellement dans le récit qu’un brâhmane vaut mieux qu’un kshattrya.

Un autre épisode des brâhmanas, le Gopatha, probablement assez moderne, offre un intérêt d’un autre genre ; on y trouve une singulière théorie de l’origine du monde. Celui qui existe par lui-même, Brâhma, brûla un jour du désir de créer ; grâce à la chaleur dont il était doué, il fit ruisseler de la sueur le long de son front et par tous les pores de sa peau ; ces ruisseaux de sueur se convertirent en eau. Alors, dans cette eau, il aperçut sa propre image et en devint épris : de là l’enfantement de deux êtres surnaturels, Bhrigou et Atharvan ; de ce dernier sortirent vingt classes de poètes, dont les œuvres réunies constituèrent l’Atharvana-Véda. Cependant, continuant le cours de ses créations progressives, Brâhma produisit la terre avec ses pieds, l’air avec son ventre, le ciel avec son cerveau ; puis il créa trois dieux : Agni (ou le feu) sur la terre, Vâyou (ou le vent) dans l’air et Aditya (ou le soleil) au ciel. Trois Védas furent consacrés à leur culte : le Rig pour Agni, l’Yadjour pour Vâyou, et le Sâma pour Aditya. Ces froides et extravagantes fictions montrent combien le génie indien avait dégénéré de l’inspiration large et simple des tchandas et des mantras ; il devait décliner encore jusqu’à ce qu’il se perdît dans les artifices d’un langage inintelligible.

Postérieurement encore aux brâhmanas, à peu près de 600 à 200 ans avant l’ère chrétienne, il faut placer les soûtras ou chaînes qui étaient réellement un enchaînement de maximes, formulées de la façon la plus succincte et trop souvent la plus sèche et la plus énigmatique. Il n’y a là ni couleur, ni style ; il semble que les auteurs aient voulu y justifier ce