Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/55

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patriarches, qui étaient à la fois chefs de tribus et pères de famille, guerriers et pontifes, chantres et législateurs. Quelle austère conception, quel magnifique éloge des devoirs sacerdotaux dans ce passage du Rig-Véda !

Ô Vrihaspati ! ta sainte parole doit passer avant tout… Elle circule en s’épurant dans l’âme des sages, comme l’orge dans le crible… Mais il y a des gens qui ont des yeux et qui ne la voient pas, qui ont des oreilles et qui ne l’entendent pas. Tel sacrificateur reste impuissant en ses efforts ; le sacrifice devient alors une vache stérile qui ne donne plus de lait… Celui qui trompe les vœux d’un ami reste sourd pareillement à la parole sainte ; il n’écoute qu’en apparence : il ne suit point la voie droite où naissent les bons fruits… De semblables prêtres ne sont que des lacs desséchés : ils violent les ordonnances sacrées ; ils s’égarent dans leur route. Malheureux, ils ne servent ni les hommes ni les dieux ; ils sont indignes de porter le nom de pontifes et de verser des libations. Leur voix pécheresse souille la sainte parole ; insensés, ils ressemblent au tisserand qui voudrait faire sa toile avec un coutre de charrue De vrais amis, réunis pour un sacrifice, se réjouissent en voyant les offrandes arriver en foule sur l’autel ; mais les libations, offertes par une main coupable, ne sont qu’un simple ornement vain et sans effet.

Cependant, il faut le dire, la morale des Aryens n’était pas toujours aussi irréprochable ; en général, leurs désirs étaient plus grossiers, leurs intentions moins désintéressées. S’ils multipliaient les prières et les cérémonies, s’ils observaient scrupuleusement les rites légués par leurs pères, c’était trop souvent (on l’a vu par plusieurs de nos citations) afin de recevoir les faveurs divines. Ils voulaient se rendre propices leurs dieux à force de présents et d’hommages ; ils leur demandaient en échange les biens de la terre. Ces pensées personnelles et égoïstes se traduisaient par des pratiques toutes matérielles : des libations abondantes, de fréquentes lotions d’eau, surtout la préparation du soma, cette liqueur fermentée qui était, en même temps, un breuvage fortifiant et un symbole mystique. Ils ne connaissaient à l’origine ni