Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/70

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tradition fantastique, qui rend responsable d’une œuvre aussi gigantesque le mystérieux Krishna-Dvâipâyana, appelé plus communément Vyâsa (c’est-à-dire le compilateur, l’arrangeur, le rhapsode), parce qu’il aurait donné en outre leur forme actuelle aux Védas, à divers Pourânas et à d’autres ouvrages orthodoxes. Ce rishi (patriarche) ou mouni (anachorète) passait pour être né du XVe au XIIe siècle avant notre ère. Fils du savant Parasâra et de la belle Satyavati, parent du roi Sântanou, il serait venu au jour, d’après la légende, dans une île du fleuve Yamounâ et aurait été le père ou au moins le tuteur des deux princes Dhritarâchtra et Pândou, dont les enfants sont les héros de son épopée. Il y aurait parlé sans cesse de lui à la troisième personne, de même que, dans les Argonautiques, attribuées à Orphée, Orphée joue un rôle important ; ainsi Vyâsa, chargé d’années, semblait avoir vu et pouvoir raconter toutes les actions de ses descendants. Il avait appris par cœur son œuvre à son élève Vâisampâyana, qui la récita, pendant un grand sacrifice, offert par Djasnamédjaya, arrière-petit-fils d’Ardjouna, l’un des héros du poëme. Tel qu’il nous est parvenu, ce même poëme aurait été débité, une seconde fois, par Ougrasrava, fils de Lômaharchana, aux sages, rassemblés dans la forêt de Nâimisha, à l’occasion d’une solennité religieuse célébrée par le législateur Saunaka. On le fixa à jamais par l’écriture, récemment inventée, et un grand nombre d’interlocuteurs ou de narrateurs y sont mentionnés.

Un pareil tissu d’invraisemblances et d’anachronismes n’a besoin que d’être exposé pour être jugé, et il échappe à toute discussion. Il n’est nullement impossible qu’un Vyâsa quelconque ait composé sur ce sujet quelques poésies légendaires, auxquelles une foule d’imitateurs auront joint leurs propres inspirations. Ainsi certaines parties du Mahâbhârata sont d’une antiquité incontestable, tandis que d’autres ne remontent pas au delà du IIIe siècle après Jésus-Christ. Ce prodigieux monument s’est élevé pierre à pierre, étage par étage : ce fut