Aller au contenu

Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déclara qu’ils seraient invincibles tant que durerait leur union. Dès lors, ils combattent, ils soumettent, ils détruisent tout ce qui leur résiste ; la nature leur obéit, et le maître des cieux, Indra, près de perdre son trône, se sauve en produisant une créature merveilleuse, la séduisante Tilottamâ, que les diverses divinités comblent à l’envi de leurs dons, et en l’envoyant sur la terre. Les deux frères l’ont à peine aperçue qu’une aveugle passion s’empare d’eux : ils se la disputent et s’entretuent pour elle. C’est toujours là le pouvoir funeste de la femme, égarant et divisant l’Humanité ! Comment ne pas reconnaître ici la fable d’Épiméthée et de Prométhée, ces deux Titans hostiles à Jupiter, fascinés et subjugués par la dangereuse Pandore ? Une autre légende bien plus fameuse, enclavée dans ce premier livre, est celle de Sakountâla, l’Andromaque des Hindous, qui a inspiré le drame de Kâlidâsa, rendu relativement populaire en Angleterre et en France par les traductions de William Jones, de Chézy et de M. Fauche.

Elle devait le jour au guerrier Wiçwâmitra et à la nymphe Menakâ, accoutumée à de pareilles faiblesses : ils la déposent sur un lit de verdure et la confient à la garde de plusieurs sakountas, oiseaux familiers, qui lui donnent son nom ; un pieux ermite, Kanva, un des principaux hymnographes des Védas, la trouve, la recueille et l’élève. Elle grandit ; elle resplendit de grâce et de beauté : un jour, dans une chasse, Doushmanta, prince de la dynastie lunaire, la rencontre, l’aime et se fait aimer d’elle, de l’aveu de son tuteur, et lui jure de l’épouser. Bientôt elle met au monde un fils, destiné au sort le plus éclatant ; dès qu’il a cinq ou six ans, elle part avec lui pour la cour, se présente à Doushmanta, environné de ses conseillers et de ses ministres, et lui demande l’exécution de sa promesse. Le prince, non pas dans un accès de folie, comme dans le drame, mais afin d’éprouver la foi et de faire éclater l’innocence de Sakountalâ, feint de la méconnaître et la repousse avec dureté et dédain. Alors, exaltée par la