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Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/263

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LE PARNASSE

nous enseigne n’est plus ni le brahmanisme ni le bouddhisme : c’est une révélation nouvelle ; Leçon te de Lisle est-il donc une dernière incarnation du Bouddah ? Comprendrons-nous mieux le dogme de la Maïa, qui termine La Vision de Brahma, et qui reparaît souvent dans le reste de l’œuvre ? Ici, Miss Gladys Falshaw cesse d’admirer : elle s’arrête, stupéfaite, et se refuse à comprendre[1]. Cherchons donc un autre interprète : l’auteur d’une thèse sur La Maya nous apprend que ce mot, aux Indes, a plusieurs sens, et il en donne quelques-uns : intelligence, science, rites sacrés, pouvoir, g’oire, activité prodigieuse, magie, déception, illusion, etc.[2]. M. Barth a une autre explication : dans le brahmanisme, « le monde fini n’existe pas ; il est le produit de la Mâyâ, de la magie décevante de Dieu, un pur spectacle où tout est illusion, le théâtre, les acteurs et la pièce, un « jeu » sans objet que l’Absolu « joue » avec lui-même. Il n’y a de réel que l’ineffable et l’inconcevable[3] ».

Dans tout cela, quel est le sens choisi par Leconte de Lisle ? Le dernier ? On aurait beau rapprocher les différents textes où il parle de la Mâyâ sans la définir, il est à peu près impossible d’en tirer une théorie claire ; Hâri l’explique ainsi à Brahma :


J’ai mis mon Énergie au sein des Apparences,
Et durant mon repos j’ai rêvé l’Univers…

Toute chose depuis fermente, vit, s’achève ;
Mais rien n’a de substance et de réalité,
Rien n’est vrai que l’unique et morne Éternité :
Ô Brahma ! toute chose est le rêve d’un rêve.

La Mâyâ dans mon sein bouillonne en fusion,
Dans son prisme changeant je vois tout apparaître ;
Car ma seule Inertie est la source de l’Être :
La matrice du monde est mon Illusion[4].


Nous continuons à ne pas comprendre, à moins d’en revenir à l’identification de tout à l’heure, et à la mettre en équation : Hari

  1. Gladys Falshaw, ibid., p. 192-195.
  2. Ishwar Dayal-Tawakley, La Doctrine de la Maya (1927), p. 2, 20.
  3. Les Religions de l’Inde, p. 49.
  4. Poèmes Antiques, p. 63-64. Dans un conte sanskrit, Phalya-Mani, publié dans la
    République des Lettres du 22 octobre 1876, il en donne une autre interprétation : « O Mâyâ,
    qu’es-tu, sinon le torrent des mobiles chimères ? Tu fais jaillir incessamment du cœur de
    l’homme la joie, la douleur, l’amour et la haine, la lumière et les ténèbres, la substance et la
    vision des choses mouvantes. Et le cœur de l’homme, ô Mâyâ, qu’est-il, sinon toi, qui n’es
    rien ? »