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Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/325

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LE PARNASSE

dont il est tout près[1]. Guéri de sa fadeur, il reste le poète de la nature ; il en rend surtout le charme ; ainsi, Sous les hêtres :


Sous la haute forêt le cœur troublé s’apaise.
Les plus riches senteurs m’arrivent à la fois :
Est-ce un parfum de menthe, un souvenir de fraise ?
Est-ce le chèvrefeuille ou la rose des bois ?[2]


Lemoyne garde jusqu’au bout cette fraîcheur à la Theuriet, et fleurit le dur monument parnassien : ainsi on admire, au Mont Saint-Michel, une touffe d’œillets sauvages qui, poussée entre deux pierres du cloître, réussit à s’épanouir.

Dès avril 1856, il est en relations avec les Parnassiens, car il offre une de ses Roses d’antan, Le Poète et l’Hirondelle, à Georges Lafenestre. La dernière pièce du recueil, Madeleine, est dédiée à Leconte de Lisle : une femme de pêcheur cause avec la mer, et cette conversation, pleine de foi, se termine par un acte de résignation à la Providence :


Je bénirai, mon Dieu, ta sainte volonté.


Notons le fait en passant : athée pour son compte, Leconte de Lisle a l’esprit assez large pour reconnaître à ses amis le droit à l’inspiration religieuse. Il admet même qu’on ne partage pas le dédain qu’il professe pour Musset. Au Parnasse de 1866, les disciples, plus intolérants que le Maître, ont dû blâmer dans La Baigneuse de Lemoyne ce souvenir de Musset :


Noyant son petit pied dans un flot de velours.


Ont-ils admis Matin d’Octobre, délicieux tableautin d’une petite fille menant au bois une vache rousse ?


Et, rencontrant la vache et la petite fille,
Un rouge-gorge en fête à plein cœur s’égosille ;
Et ce doux rossignol de l’arrière saison,
Ebloui des effets sans connaître les causes,
Est tout surpris de voir aux églantiers des roses
Pour la seconde fois donnant leur floraison.


C’est bien joli, mais quoi ! Musset n’a-t-il pas dit dans son sonnet à Victor Hugo :


Et l’effet qui s’en va nous découvre les causes ?


  1. Ibid., Vieille Guitare, p. 71-73.
  2. Roses d’Antan, p. 152-153.