Aller au contenu

Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
348
HISTOIRE DU PARNASSE

cinq ans après, non plus dans une lettre particulière, mais dans un document public, non plus avec l’émoi d’un débutant, mais avec l’autorité qu’il doit à une carrière glorieuse, il rappelle sa dette et dit sa reconnaissance : « c’est chez Leconte de Lisle,… dans les réunions où il voulut bien m’admettre, que j’ai, pour la première fois, bien compris ce que c’est qu’un vers bien fait. J’étais novice alors ; j’écoutais avidement les récitations que plusieurs des disciples, et parfois le maître lui-même, faisaient de leurs poésies inédites, et je fus frappé de l’admirable solidité des vers de ce poète altier, vers dont sa diction grave et lente accentuait la plénitude et la force[1] ».

Pour ses débuts de parnassien, il publie dans le recueil de 1866 Les Danaïdes, La Grande Allée, qu’il jugera dignes d’être reproduites dans ses œuvres sans une seule variante, le Doute avec un seul mot changé[2]. Au contraire, le poème sur les Écuries d’Augias, son « chef-d’œuvre » d’apprenti parnassien, a été repris, corrigé, limé, avec le zèle d’un bon élève de Leconte de Lisle. Il y a une quinzaine de variantes, et le poète a ajouté une vingtaine de vers à son premier texte[3]. Au Parnasse de 1869, il donne trois Solitudes, Le Missel, Les Vieilles Maisons, Le Volubilis, et deux Croquis Italiens, Place Navone et les Transtévérines. Dans cette dernière pièce il avait laissé passer, en deux vers, un hiatus et une faute de grammaire :


Le contour d’un sein riche et un dos bien arqué
S’accusa avec ampleur par de beaux plis marqué.


Plus tard il se corrige :


Le contour d’un sein riche et d’un dos bien arqué
S’accuse[4]


On devine des remarques aigres-douces faites par les bons camarades au trop beau poète. Peu à peu Sully Prudhomme semble renoncer à la manière du Parnasse. Dans le recueil de 1876 il publie Le Zénith ; il abandonne donc les genres préférés des Parnassiens pour la poésie scientifique, ou didactique.

L’histoire des relations de Sully Prudhomme avec le Parnasse

  1. Testament Poétique, p. 22.
  2. Poésies, II, 8, 122, 35.
  3. Poésies, II, 71, sqq.
  4. Poésies, II, 194-202 et 107-110.