Aller au contenu

Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
399
LE DISPERSION

la galerie, mais qu’il utilise pour son propre usage. C’est parce qu’il a passé par le Parnasse qu’il peut encore écrire dans Sagesse cet admirable, pur, et impeccable sonnet :


Sagesse d’un Louis Racine, je t’envie[1] ! —…


Au fond du cœur, il reste reconnaissant au Parnasse, mais cette reconnaissance ne se laisse voir que quand il a conquis, après l’indépendance, la grandeur, sa grandeur à lui, telle qu’elle a été magnifiquement proclamée par Verhaeren[2]. C’est par conscience de sa valeur propre que, chassé du Parnasse, Verlaine, après avoir d’abord crié sa rage, ne reste ni petit ni ingrat devant les Parnassiens. Après le banquet du 16 janvier 1895, où Mendès avait pris la défense de Baudelaire, Verlaine lui envoie ce sonnet, digne du Parnasse :


Vous avez magnifiquement vengé la Muse
D’un blasphème trop bête en son impiété :
« Baudelaire, grand cœur douloureux » a dicté
Votre vers châtiant tel pédant qui s’amuse.

« Notre cher Baudelaire ! » Ah ! qu’il fut bien jeté
Ce cri de notre cœur à la face camuse
D’une ignorance qui s’en croit, mais qui s’abuse[3]


Déjà, dans ses Épigrammes, qui sont de 1894, il avait fait amende honorable à la rime, ce mal nécessaire, car il se voit obligé de constater


… dans la rime, un abus que je sais
Combien il pèse et combien il encombre,
Mais indispensable à notre art français
Autrement muet dans la poésie,
Puisque le langage est sourd à l’accent.
Qu’y voulez-vous faire ? Et la fantaisie
Ici perd ses droits : rimer est pressant[4].


Quand on a fréquenté Leconte de Lisle, on ne peut pas être satisfait de soi-même en écrivant par gageure :


Et je t’attends en ce café,
Comme je le fis en tant d’autres,
Comme je le ferais en outre[5].


  1. Œuvres, I, 212.
  2. Impressions, p. 61-68. — Cf. Maurras et de la Tailhède, p. 192-200.
  3. Œuvres, III, 382.
  4. Œuvres, III, 228. — Cf. E. Raynaud, ibid., I, 120 sqq.
  5. Œuvres, III, 434.