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Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/182

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LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL

l’âme se trouve définie par les fonctions de la vie. Entre toutes, la nutrition est la plus importante, car toutes les fonctions dépendent d’elle : elle peut subsister seule et indépendamment de toutes les autres, comme dans le végétal, mais les autres fonctions ne peuvent subsister sans la nutrition. La sensibilité est ce qui constitue avant tout l’animal, même privé de mouvement. L’âme est ce par quoi nous vivons, sentons et pensons. L’âme a-t-elle des parties distinctes et pouvant être matériellement séparées ? Certains végétaux, qui n’ont que l’âme nutritive, c’est-à-dire la faculté de s’assimiler les éléments du milieu où ils vivent, subsistent fort bien après qu’on les a séparés et divisés en parties. De même, si l’on coupe certains insectes en plusieurs parties, on voit la sensibilité, la locomotion, et, par conséquent, les images et les appétits, persister encore dans chacune de ces parties. Si, parmi les êtres animés, les uns n’ont que quelques-unes de ces fonctions, ou même n’en ont qu’une seule, d’autres les possèdent toutes. La cause de ces différences est dans l’organisation et la constitution du corps des êtres vivants. Toutes les fonctions de la vie sont rigoureusement subordonnées les unes aux autres. Sans nutrition, point de sensibilité, ni de locomotion, ni de pensée. L’âme est la fin du corps ; elle est le principe et le but de son activité, elle est ce en vue de quoi tout s’ordonne et s’organise dans ce petit monde qu’on appelle un être organisé, vivant, mais elle est si peu séparable de la plante et de l’animal, quels qu’ils soient, qu’aucune des fonctions vitales par lesquelles elle a été définie, depuis la nutrition jusqu’à la pensée, ne se manifeste sans la matière.

Sans doute, penser est pour Aristote autre chose que sentir. Mais la pensée suppose nécessairement les sensations et les images, lesquelles impliquent à leur tour la sensibilité et la nutrition. Les images fournissent à l’intelligence des sensations plus ou moins affaiblies, mais toujours susceptibles de s’exalter jusqu’à nous faire croire que nous voyons ou entendons les choses elles-mêmes, sensations d’où naissent les conceptions intellectuelles. Le souvenir, la mémoire, s’expliquent par la persistance des impressions sensibles. « La sensation vient du dehors ; mais, pour se souvenir, l’âme doit se reporter aux mouvements où aux impressions demeurées dans les organes des sens, ἡ δ’ ἀνάμνησις ἀπ̓’ ἐκείνης ἐπὶ τὰς ἐν τοῖς αἴσθητηρίοις κινήσεις ἢ μονάς » (De an., I, IV, 12). Les images sont à l’intelligence ce que les sensations sont à la sensibilité. Sans images, sans représentations internes des choses, l’âme intelligente ne saurait penser. Pour pouvoir penser, l’intelligence doit devenir les choses qu’elle pense. C’est dans les choses matérielles, dans les formes sensibles que sont en puissance toutes les choses intelligibles. Concevoir sans imaginer n’est pas dans la nature, et les images, encore une fois, sont bien des espèces de sensa-