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Page:Soury - Le système nerveux central, 1899.djvu/19

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LE PAPYRUS EBERS

à Georges Ebers que, dans l’ancienne Égypte aussi, on se soit servi de la même expression (métu, vinculum, junctura, nervus, venae, arteriae) pour désigner les vaisseaux et les nerfs[1]. F. Chabas estimait aussi que les Égyptiens désignaient par le même nom « les artères, les veines, les nerfs, sans doute aussi les vaisseaux lymphatiques »[2] ; cette dernière remarque n’est pas aussi extraordinaire qu’elle le paraît[3]. Ainsi le mot égyptien mét, métu, a désigné à la fois des organes que nous appelons nerfs et vaisseaux. Les vaisseaux, distribués dans toutes les parties du corps, passaient, écrit L. Stern dans le Glossaire hiéroglyphique du papyrus Ebers, pour « porter dans ces parties les humeurs et les esprits vitaux ». Voici ce qu’on lit au commencement du traité du Cœur, qui est peut-être, au témoignage d’Ebers, le plus beau et le plus important de ce manuscrit, sorte de corpus d’écrits médicaux : « Il y a des vaisseaux (nerfs) qui du cœur vont à tous les membres ». L’auteur présumé du traité du Cœur, le médecin Néb-SéχT, atteste que partout où il pose les doigts, sur la tête, l’occiput, les mains, les jambes, toujours il rencontre le cœur[4]. Le cœur est ainsi « le centre de tous les vaisseaux (nerfs) du corps entier ». Néb-SéχT décrit ensuite, comme le feront bien des siècles plus tard (le papyrus Ebers est l’œuvre du calame d’un scribe du XVIe siècle avant l’ère chrétienne) Diogène d’Apollonie, Synnesis et Polybe, le gendre d’Hippocrate, le mode de distribution de ces vaisseaux aux différents membres : « Les vaisseaux se divisent de la manière suivante : 4 dans les joues ; 4 à l’intérieur des tempes ; 4 dans la tête ; 4 dans le nez ; 4 dans les oreilles : 6 dans les bras ; 6 dans les jambes ; 2 dans les testicules ; 2 dans les reins ; 4 dans le foie ( ?) ; 4 dans l’intestin et la rate ; 2 dans la vessie ( ?) ; 4 dans la région fessière. » Néb-SéχT indique mème que certains états psychiques variés, tels que la colère, le chagrin, le dégoût, etc., se peuvent expliquer par ces dispositions anatomiques (planche 99). L’expression qu’Ebers dans cette analyse sommaire, a traduite par « vaisseau », Stern, en son

  1. papyrus Ebers. Das hermetisches Buch über die Arzeneimittel der alten Ægypter in hieratischer Schrift... Leipz., 1875, I, 32.
  2. F. Chabas. Notice du papyrus médical Ebers. Châlon-sur-Saône, 1876, p. 7.
  3. papyrus Ebers. Glossarium hieroglyphicum quo medicinalis hieratici... vocabula collegit... Ludovicus Stern, II, p. 60, χait, « lymphe ». (Cf. les papyrus médicaux de Berlin et de Londres.) Le « sang » est appelé senef, senefu, p. 39.
  4. Dans le conte égyptien des Deux Frères, monument de la littérature pharaonique du XVe siècle avant notre ère, composé par le scribe Enna, Bataù, l’un des deux frères, ayant bu l’eau du vase d’eau fraîche où son cœur avait élé plongé « revient à la vie », le cœur ayant repris sa place. Le cœur a ici l’importance biologique que lui attribue Aristote. V. notre étude sur les Contes et Romans de l’ancienne Égypte. Jules Soury, Études historiques sur les religions, les arts, la civilisation de l’Asie anterieure et de la Grèce. Paris, 1877, p. 153.