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FROISSART

de peur, et tout éperdu. Le comte de Foix prit de la poudre et en mit sur un tailloir de pain (un morceau de pain), et siffla un de ses levriers qu’il avait de lès lui (à côté de lui) et lui donna à manger. Sitôt que le chien eut mangé la poudre, il tourna les pieds dessus et mourut. Quand le comte de Foix vit la manière (la chose), il fut courroucé ; il se leva de table et prit son coutel et voulait le lancer après son fils, et l’eût occis ; mais chevaliers et écuyers se mirent au devant et dirent : Monseigneur, ne vous hâtez pas, mais vous informez de la chose avant que vous fassiez à votre fils nul mal. Et le premier mot que le comte dit, ce fut en son gascon : O Gaston, traitour (traître), pour toi et pour accroître l’héritage qui te devait retourner, j’ai eu guerre et haine au roi de France, au roi d’Angleterre, au roi d’Espagne, au roi de Navarre, au roi d’Aragon, et contre eux me suis-je bien tenu et porté, et tu me veux maintenant murdrir (assassiner) ; sache que tu en mourras à ce coup. Alors il saillit outre la table, le coutel à la main, et le voulut là occire ; mais chevaliers et écuyers se mirent à genoux devant lui, et lui dirent : Ah ! Monseigneur, pour Dieu merci ! N’occiez pas Gaston ; vous n’avez plus d’enfant ; faites-le garder, et informez-vous de la matière ; espoir (peut-être) ne savait-il ce qu’il portait, et n’a nulle coulpe (faute) en ce méfait. Or tôt,