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FROISSART

passés il avait apportées. Adonc referma-t-il la chambre et vint au comte de Foix, et il lui dit : Monseigneur, prenez garde dessus votre fils, car il s’affame en la prison, et je crois que onques ne mangea depuis qu’il y entra ; car j’ai vu tous les mets entiers dont on l’a servi. De cette parole le comte s’enfélonna et s’en vint vers la prison où son fils était, et tenait à la mâle heure un petit coutel dont il appareillait ses ongles ; il fit ouvrir l’huis (la porte) de la prison et s’en vint à son fils, et tenait la lemelle de son coutel si près de la pointe qu’il n’y en avait pas hors de ses doigts l’épaisseur d’un gros sol tournoi. Par mautalent (par colère) en boutant ce tant de pointe en la gorge de son fils, il l’asséna (il le frappa) je ne sais en quelle veine et lui dit : Traitour, pourquoi ne manges-tu point ? Et tantôt s’en alla le comte, sans plus rien dire ni faire, et rentra en sa chambre. L’enfès fut sang mué et effrayé de la venue de son père avec ce qu’il était faible de jeûner, et qu’il vit ou sentit la pointe du coutel qui le toucha à la gorge, et ce fut en une veine ; il se tourna d’autre part, et là mourut.

» À peine était le comte rentré en sa chambre, quand nouvelles lui vinrent par celui qui administrait à l’enfant sa viande, qui lui dit : Monseigneur, Gaston est mort. — Mort, dit le comte ! et il ne voulait pas croire que ce