Page:Souvenirs de campagne 1914-1915 de Louis Doisy.pdf/5

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Nous voilà donc de retour à Lille après un voyage d’une journée dans des trains toujours bondés de mobilisés. Il faisait très chaud.

Quelle ne fut pas notre surprise de trouver papa et mon oncle Charles à la descente du train. J’avoue que ma joie est contenue, comme la leur.

Munis d’un sursis d’appel au titre de minotier, ils Henri venaient chercher Henri. Je vois encore la figure de ce pauvre papa, d’une part heureux d’avoir pu dans son idée en sauver un et d’un autre côté que séparé d’Henri, j’allais me faire du chagrin, je l’ai bien compris. On considère ses enfants même grands comme des petits qui ont toujours besoin de protection et ils s’excusaient presque ce pauvre père et aussi ce bon oncle Charles de n’avoir pu réussir à obtenir pour moi leur bienheureux sursis. Et pourtant ils avaient du en faire des démarches.

J’avoue que ca me fit un petit quelque chose à la pensée d’être séparé d’Henri. À deux on est plus fort, deux frères peuvent tout se dire et se comprendre plus intimement, ce sont deux membres d’un même corps. La raison réprima vite ce petit moment d’inquiétude, tant d’autres sont seuls et puis Henri a une femme et deux enfants auxquels il se doit. Par la suite j’en fus très heureux. Je pris donc congé sans trop de tristesse.

À la caserne, toujours le même spectacle. Bien que tous les départs soient faits, c’est toujours la même