Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

malheureux ! Il ignorait qu’il y a des vieilles plus rouées que des jeunes. Il revint donc et entra dans le cabaret.

Il aurait dû se méfier autant du cabaret que des femmes, jeunes ou vieilles ; mais la soif, la terrible soif, la pluie qui tombait, la vue des pichets de cidre, rien que la main à tendre et deux sous à donner ; ah ! un Breton, un vrai Breton n’y saurait tenir !

Voilà qui va mal !… très mal !…

Trémeur entra donc, et, la langue épaisse, comme de raison, il demanda à boire un bon coup de sistr’ mad. La vieille lui en versa à pleins bords dans un énorme pichet ; notre voyageur était tout trempé. L’homme rouge ralluma naturellement le feu, et fit asseoir Trémeur le plus près possible du foyer. Trémeur tenant le pichet sous son menton, se mit à boire avec délices, sans voir la sorcière qui riait, le feu qui flambait par derrière, et le beurre qui fondait rapidement sur son pauvre cou…

Soudain le diable s’en mêla, pour sûr, car la tête décollée roula dans le grand pichet que le buveur tenait à deux mains. Or, le sacristain, qui était un fameux farceur, quoique fossoyeur de son état, disait que Trémeur continua à boire son cidre, avec tant d’ardeur, qu’il avala… (En vérité ceci est trop dur à avaler, tout de même !) Mais que voulez-vous ? Il disait donc que Trémeur avait avalé sa tête, sa propre tête, et qu’il ne s’en aperçut qu’au moment