Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/116

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de payer la dépense et de dire kenavo, bonsoir, à la compagnie…

Rassurez-vous : nous ne suivrons pas ce farceur de sacristain dans cette affreuse plaisanterie, et je vais vous dire la vraie vérité.

Pour lors, le chef décollé ayant roulé dans le fond du pichet, l’homme rouge, qui se tordait de rire, attacha le pichet avec une ficelle sur le dos de Trémeur, et lui dit qu’on n’avait plus besoin, dans un cabaret, d’un imbécile sans tête, et par conséquent sans bouche, pour consommer le bon cidre. C’était assez naturel, et le pauvre Trémeur le comprit. Il se mit donc en route avec son pichet et sa tête sur son dos, et résolut d’aller trouver saint Herbot, son parrain, dans l’ermitage où il demeurait, près de la cascade qui porte son nom.

Toc, toc.

— Qui va là ?

Pas de réponse.

Saint Herbot, ayant regardé par la lucarne, s’écria :

— Voilà un drôle de vagabond, sans figure. Ah ! je parie que c’est mon filleul ! Tu t’es mis au soleil, ou trop près du feu, mon garçon : le beurre a fondu, et…

— Et ma tête a filé, et je viens vous la redemander, mon parrain.

Trémeur ne répondit pas ainsi, comme de raison, mais il