Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/22

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choses qui se disent bien en breton, et que l’on ne peut reproduire exactement en français. »

Le besoin de sincérité, qui tourmente à juste titre M. Luzel, et l’induit au moins possible d’arrangement, lui aurait fait désirer la publication de textes bretons avec français en regard, comme le précieux Conteur bretonAr Marvailler brezounek — publié en 1870 par MM.  Troude et Milin, et les trois derniers des Contes bretons, par M. Luzel lui-même. Mais une raison d’économie s’est opposée à la réalisation de ce désir. Pour y suppléer dans une certaine mesure, M. Luzel a eu soin de mentionner après chaque conte le nom et la profession du conteur ainsi que la date approximative et souvent le lieu de la moisson. Mme  de Sévigné trouverait là une belle matière à sarcasmes contre les rudesses de la langue bretonne ; car des noms de famille tels que Colcanab, le Noac’h, Droniou, ar Falc’het, le Levrien, Ewenn, et des vocables locaux comme Plougasnou, Pédernec, Praz, Louargat, ont à coup sûr de quoi effaroucher une oreille française.

De pareilles marques de fabrique font sur les savants une impression autrement profonde que les effets de style les plus imagés. Et pourtant, ces effets de style que M. Luzel semble s’interdire, il les trouve parfois sans les chercher, de même que du Laurens les cherche souvent sans les trouver, et que Souvestre, lui, les cherche et les trouve. Des variantes assez fastidieuses, des répétitions de mots, la simplicité du récit, et, de temps en temps, la crudité des termes sont autant de preuves accumulées par l’archiviste du Finistère à l’appui de l’estampille Breiz-Izel. Les formules initiales et finales, si malicieuses et si naïves, sont colligées pour la première fois avec un soin particulier. En substituant du reste aux divisions extrinsèques par régions ou par conteurs une classification logique par souche de récits, M. Luzel a rendu un grand service à la critique comparative. Sans doute, il n’ignore pas que sa classification n’est pas absolue ; que, parmi les contes et les légendes, bien des échantillons pourraient figurer indifféremment dans l’un ou l’autre des quinze à vingt cycles pro-