Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/25

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pourrait fondre les deux histoires en un apologue intitulé : le Savant et son disciple, ou le Butor métamorphosé en mouette ? À moins qu’en évoquant le mythe de la mouette, l’illustre maître n’ait entendu étayer d’un fait sa formule ethnique : « Un Celte mêlé de Gascon, mâtiné de Lapon, » et qu’on ne doive voir là-dedans, béatement admiré par l’homme du Nord, qu’un tour incroyable de Bordelais à Trécorois ? Ou faudrait-il en conclure qu’après avoir créé les mythes de Pantagruel, de Gargantua, de Panurge, et nous être inféodé ceux de Polichinelle, d’Arlequin, de Colombine et de Pierrot, nous ne soyons plus bons, aujourd’hui, qu’à reproduire sur modèle, sauf à copier ou à grossir, des Homais et des Tartarins ?


II


Et cependant, quel siècle, autant que le nôtre, eut jamais besoin de l’Idéal et des mythes qui, plus ou moins humblement, le personnifient ? Depuis que le Musset, de Rolla, éperdu sous l’étreinte du doute, jetait aux échos romantiques les plaintes désespérées de ses orgueilleux appels, la science et l’industrie ont marché de triomphe en conquête, multipliant les découvertes et renouvelant la face de l’existence. L’humanité en est-elle plus heureuse ? Non, assurément. L’analyse a tué la foi, la machine a tué la charité : nos savants sont des myopes ; nos industriels, des marchands. Gentilshommes, bourgeois, ouvriers, ne songent qu’à s’amasser la plus grande somme possible de contortable, et l’émigration du paysan vers la ville va faire disparaître l’élément suprême des vitalités nationales. La guerre est là, dont l’ombre sinistre et formidable rôde autour de la décadence du vieux monde. Pour conjurer la ruine imminente, il faudrait des croyances dans les âmes et de l’amour dans les cœurs. Le progrès social indéfini devient de plus en plus une entité chimérique. La civilisation moderne s’efforce d’abolir l’Idéal que la barbarie avait