Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/32

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c’est-à-dire, dans le conte, vers le bonheur humain, représenté par la richesse et la grandeur ; dans la légende, vers le bonheur moral, le salut de l’âme.

À voir le merveilleux breton ainsi envisagé dans ses éléments philosophiques et actifs, on serait tenté de croire qu’il y a là une féerie et une diablerie autochtones, directement exhalées du sol sur lequel se détachent avec une netteté séculaire leurs ombres remuantes. Rien de plus certain pour les décors et les costumes, pour la manière des acteurs, pour leur accent ; mais en est-il de même pour les idées et pour les personnages ? Question des plus complexes, et qui doit être examinée séparément en fait de contes et de légendes.

Charles Giraud, dans la spirituelle lettre qui sert de préface à son excellente édition des Contes de Perrault, raille fort agréablement la celtomanie contemporaine. Il faut bien reconnaître que, par ce temps d’admiration puérile, on abuse parfois de sentiments très respectables, et que plus d’un Breton, emporté par son amour pour la petite patrie, s’est laissé aller à des tartarinades que n’excuserait pas un soleil de Provence. La Bretagne a témoigné et témoigne encore trop clairement sa vitalité idéale et pratique, pour que l’on risque d’en déprécier le pittoresque individuel et régional par l’indéfinie répétition de formules laudatives. Nous avons nos gloires, non des moindres ni des moins nombreuses : faisons-les connaître, mettons-les, maintenons-les à leur rang véritable ; mais gardons-nous d’en écarter à force d’encens, et n’en inventons à aucun prix. Le baron Walckenaër ayant voulu attribuer aux contes de Perrault une filiation bretonne, s’est vu rappeler à l’ordre par Giraud. « Nos nourrices n’ont pas toutes été Basses-Brettes, et tout l’esprit de France ne venait pas jadis de Kemper-Corentin, quoiqu’il en vînt beaucoup. Il a pu exister une féerie bretonne, comme une féerie germanique, comme une féerie arabe, ajoute plus lourdement le commentateur ; mais la provenance exclusive de l’origine celtique nous paraît être une conclusion à laquelle la critique historique ne doit pas souscrire. » En s’exprimant ainsi,