Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/8

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phytes ont, dignes émules d’un de leurs personnages favoris, dérobé des bottes de sept lieues à l’ogre Ignorance. De larves qu’ils étaient naguère, les chercheurs sont devenus abeilles, et c’est plaisir de voir le mouvement des ruches et l’infatigable activité des bonnes travailleuses. Aussi, les rayons sont-ils déjà pleins d’un miel recueilli sur toutes les fleurs du bon Dieu, sur la robe printanière de la pâquerette champêtre, sur les corolles ailées des cyclamens alpestres, sur les myrtilles des bois septentrionaux, sur les étincelants calices des plantes tropicales. L’heure est proche où la récolte sera mise en œuvre après avoir été triée selon sa qualité.

Je voudrais tenter un essai de triage pour le miel des contes et des légendes de Basse-Bretagne, et faire sentir ce que son parfum sauvage a de pénétrant, soit qu’on le savoure sans mélange, soit qu’on le compare au produit des autres ruchers.


I


Il s’en faut que tous les miels de Bretagne se ressemblent. Je ne parle pas des miels récoltés en Haute-Bretagne, dans la Loire-Inférieure, dans l’Ille-et-Vilaine, dans l’est du Morbihan et des Côtes-du-Nord. Ces miels du pays gallo sont trop civilisés pour les palais bas-bretons du Finistère, de Pontivy, de Lorient, de Lannion, de Guingamp et même, en partie, de Loudéac et de Vannes. Les Bretons de là-bas bretonnent seuls ; ils parlent la vieille langue de la Grande-Bretagne — la Bretagne insulaire d’où ils ont émigré successivement vers le sixième siècle du Christ, sous la conduite de leurs tiern, de leurs bardes et de leurs moines, pour s’installer dans l’Armorique comme dans une seconde patrie.

Les populations de Breiz-Izel ou de Basse-Bretagne ont pour caractère l’idéalisme, en ce qu’il a de plus instinctif et de plus résistant. Cet idéalisme