Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/93

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marché, bien couru, vers le milieu de la nuit, il arriva à l’entrée d’un bois sombre, qui était gardé par un Rounfl, c’est-à-dire un ogre, mangeur d’hommes et autres lôned (bêtes). Tam crut bien reconnaître ce passage hanté, si redouté aux environs, mais comme il n’était point peureux et qu’il aimait les aventures, il résolut de s’y engager. Au surplus, il était trop tard pour reculer, car les deux domestiques du Rounfl, autrement dit deux gros chiens, qui n’avaient pas l’air tendre, arrivaient à l’instant et priaient poliment, à leur manière, Monsieur Tam-Kik d’entrer chez eux. Quand je dis poliment, ça veut dire en lui chatouillant un peu les jambes.

Goustadik, goustadik (doucement), mes petits agneaux, leur dit Tam, de sa voix la plus douce, ne vous mettez pas en colère ; tenez, voici deux belles galettes de blé noir que je vous donnerai si vous laissez mes pauvres flûtes tranquilles.

Vous voyez que le vagabond n’était pas si bête, au contraire ; et bientôt c’eût été un plaisir de voir Tam et les deux dogues entrer, bras dessus bras dessous, dans le manoir du Rounfl.

Orch ! fit celui-ci en se réveillant à cette vue, voilà qui est singulier ; ici, Butor, ici, Ragear, mes valets maudits, que je vous corrige pour avoir donné la patte à un chrétien.