Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/99

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une place de valet dans une bonne ferme du voisinage. Le fermier de Kerlostik, avant de le gager, regarda un peu de travers les pauvres jambes et le triste équipage du garçon ; mais celui-ci, piqué et enhardi par sa mouche, ayant dit qu’il ferait à lui seul plus d’ouvrage que trois fainéants de Bannalek, le maître consentit à le prendre à l’essai, avec trois écus par an, de la soupe de pain de seigle tous les jours, de la bouillie de mil et des crêpes une fois par semaine. C’était une belle condition, assurément ; aussi, Tam n’eut garde de refuser. Le voilà donc valet de charrue. Le troisième jour, le maître ayant été à la foire la veille, par un temps brûlant, en avait rapporté sa bourse vide et un bon coup de soleil par-dessus le marché. Tammik proposa à la vieille moitié de ménage d’aller au champ tout seul avec les bœufs et la charrue. La vieille accepta, faute de mieux, espérant au surplus trouver tout de suite une bonne raison pour fourrer à la porte ce failli gras, qui mangeait autant que deux. Mais sur les midi, quand elle alla au champ porter au valet sa soupe de pain noir, dont elle avait eu soin, la digne créature, de ne remplir l’écuelle qu’à moitié, quand elle vit la grande pièce toute labourée, elle resta stupéfaite. Tammik avala sa soupe sans rien dire, et, avant le soir, il laboura un second champ, avec l’aide de sa mouche qui aiguillonnait les bœufs et leur donnait un cœur infatigable.