Page:Souvestre - Au bord du lac, 1852.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
au bord du lac.

est mon père et la jeune fille doit être ma femme.

— Après.

— Je voudrais acheter leur affranchissement.

— Et moi je ne veux point te le vendre, s’écria messire Raoul ; nous verrons si ceux-là aussi l’obtiendront contre ma volonté.

— Ah ! monseigneur ne voudrait pas se venger aussi durement, s’écria Jehan ; il ne me refusera point.

— Je refuse.

— Mais songez, monseigneur…

— Je songe que ton père et ta fiancée sont en mon pouvoir et qu’ils y resteront. Par le ciel ! je ferai peut-être une fois ma volonté.

— Monseigneur a, d’ailleurs, disposé du vieux Thomas et de Catherine, objecta maître Moreau avec un sourire méchant.

— Comment cela ?

— Tous deux font partie des familles qui doivent être livrées au seigneur de Vaujour.

— Se peut-il ! s’écria Jehan.

— Oui, dit Raoul ; je lui ai vendu trois villages avec tous leurs serfs, et tu ne pourras retirer de ses mains ni le vieillard ni la jeune fille, car il a juré de ne jamais consentir à un affranchissement.

Jehan tressaillit et devint pâle ; il savait que le seigneur de Vaujour était un de ces fous sanguinaires que les souffrances des autres réjouissent. On racontait d’incroyables histoires de sa cruauté : la plus grande partie de ses serfs étaient morts de misère ou